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Lise nous vient de notre livre : Le printemps des haikus
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J’écoute un silence, un fleuve au printemps en bas de la prairie, bien loin des tumultes, près d’un petit village de Dordogne. Et j’entends une histoire, un flot de paroles enfantines, Lise, pieds nus, qui parle à l’univers. Dans sa présence, l’univers tout entier, et le temps suspendu à sa voix. On n’y comprend rien et on découvre tout. Un accueil, un ailleurs, Lise, le printemps, la lumière, la terre qui se fait douceur. Les yeux de Lise nous invitent à la suivre.
A deux pas, voici les visiteurs devant une maisonnette adossée à la colline, faite de pierre et de bois, où le temps s’est arrêté. Ici, Lise leur montre comment le monde respire : dans le froissement d’une herbe, dans le pas lent d’un âne chargé de bois, dans le sourire de sa mère qui pétrit le pain.
Dans l’ombre légère que dessinaient les volets entrebâillés, la fraîcheur de la pierre imprégnait l’air du matin. Les doigts de Lise glissaient sur les murs rustiques, effleurant les interstices où la poussière s’était accumulée depuis des générations silencieuses. Elle s’avançait avec la prudence d’une biche qui entre dans une clairière inconnue. Lise, la muse des oiseaux absents, vestale des silences habités, partageait son royaume d’instants suspendus, de respirations contenues, où chaque geste est un mot dans la phrase infinie de l’existence. Les visiteurs, étrangers aux rythmes de ce monde, suivaient, attirés par la gravité de ses yeux qui parlaient la langue première, celle d’avant Babel, celle qui n’a pas besoin de traduction.
Le monde extérieur n’était plus qu’un bruissement lointain, un conte que l’on raconte pour endormir les enfants de la ville. Ici, le vent racontait l’histoire du paysage qu’il parcourait : il parlait de la course des nuages au-dessus des crêtes lointaines, du frôlement des herbes hautes contre les jambes nues, du clapotis discret de l’eau sur les berges.
Dans la maisonnette, le temps ne passait pas. Il se contentait d’être. Là, la mère de Lise œuvrait en silence, chaque mouvement de ses mains sur la pâte du pain semblait répéter un ancien rite, accomplir une prière quotidienne où chaque pli incarnait un soupir de la terre, chaque boule formée un battement de cœur de la maison.
Le crépuscule, maintenant, enveloppait doucement le paysage, le drapait dans une lueur qui n’appartenait ni au jour ni à la nuit. Lise emmenait ses nouveaux compagnons à l’orée du bois, où les arbres chuchotaient entre eux des mots d’un vert sombre. Sous le dôme végétal, ils écoutaient le silence comme on écoute une symphonie ancienne, complexe, riche de nuances inaudibles pour ceux qui ne prennent pas le temps de s’arrêter. Ils ne parlèrent pas de partir. Comment le pourraient-ils ? Le départ implique un futur, et ici, le futur était une notion étrangère, superflue, une construction inutile. Ils étaient arrivés, et cela suffisait. La présence était tout.
Les étoiles, points d’argent sur le velours du ciel, étaient les mêmes qu’avaient contemplé des générations d’hommes et de femmes avant eux, les mêmes qu’observeraient ceux qui viendront longtemps après leur propre oubli. Lise, dans son éternité enfantine, leur souriait, un éphèbe parmi les éphémères, une constante parmi les changements.
Et quand vint l’aube, avec sa lumière douce qui peignait le monde de nuances pastel, ils étaient encore là, assis près de Lise, à écouter le monde se réveiller. Ils étaient là, et cela était aussi vieux et aussi neuf que le premier matin du monde.